Pour les exploitants de turbines à gaz naturel et les gestionnaires de programmes de maintenance, la formation de vernis constitue un problème permanent. Elle nuit à l'efficacité opérationnelle ainsi qu'aux performances mécaniques en contribuant à :
Les turbines utilisées en service de pointe sont particulièrement vulnérables à la formation de vernis en raison des cycles de réchauffement et de refroidissement auxquels elles sontsoumises.
Le problème de formation de vernis dans la machinerie n'est pas nouveau, mais il est devenu récemment plus difficile à gérer.
La principale raison de l'accroissement notable de la formation de vernis est l'abandon des huiles de base du groupe I, utilisées dans les lubrifiants traditionnels, au profit des huiles de base plus raffinées du groupe II, utilisées dans la plupart des nouveaux fluides pour turbine. Pour les fabricants, le changement a donné lieu à plusieurs avantages dont la possibilité d'ajouter des agents antioxydants plus efficaces et complexes qui confèrent au produit une meilleure stabilité à l'oxydation et à la chaleur que celle des huiles du groupe I.
Les capacités de performance accrues sont essentielles dans le cas des turbines à gaz, qui représentent l'application la plus exigeante pour ces huiles. Dans le domaine de la production d'électricité, les turbines à gaz constituent la filière dont la croissance est la plus forte en Amérique du Nord, ce qui souligne l'importance de cette catégorie d'huile.
La contrepartie désavantageuse de la résistance naturelle à l'oxydation des huiles de base du groupe II est une réduction de la solubilité.
En effet, lors de l'hydrocraquage, le procédé servant à produire ces huiles de base (et qui aident à améliorer les propriétés antioxydation), les composés qui autrement contribuent à la solubilité de l'huile sont retirés. C'est pourquoi les entreprises qui produisent des additifs ont été invitées à adapter leurs formulations chimiques pour garder ces composés solubles.
« Les constructeurs n'ont d'autre choix que d'exiger des performances supérieures des huiles pour turbine puisque les températures plus élevées accélèrent l'oxydation qui est responsable de nombreux problèmes relatifs aux lubrifiants. »
L'accroissement des problèmes de vernis est aussi imputable au fait que les huiles pour turbine doivent remplir davantage de fonctions dans des milieux toujours plus difficiles.
L'efficacité et la température de service des turbines à gaz augmentent au fur et à mesure que progresse la science des matériaux. Dans certaines turbines industrielles, le même fluide est utilisé simultanément pour lubrifier les paliers de la turbine et ceux de la génératrice, les compresseurs d'air d'atomisation, les systèmes hydrauliques de levage et de déclenchement, le système de joint d'étanchéité à l'huile pour l'hydrogène de la génératrice, les engrenages de la charge et une multitude de servovannes dans le circuit hydraulique.
Bien que les génératrices profitent de l'amélioration de l'efficacité des turbines et de leur puissance accrue, les pressions exercées sur les huiles pour turbine et les exigences qu'elles doivent satisfaire ont tendance à augmenter. Les constructeurs n'ont d'autre choix que d'exiger des performances supérieures des huiles pour turbine puisque les températures plus élevées accélèrent l'oxydation qui est responsable de nombreux problèmes relatifs aux lubrifiants comme l'accroissement de la viscosité, la formation de vernis et de boues, l'épuisement des additifs, la dégradation de l'huile de base, le colmatage des filtres, la perte de contrôle du moussage, la hausse de l'indice d'acidité, la formation de rouille et la corrosion.
On ne saurait trop insister sur l'importance de sélectionner soigneusement le fluide. Rien n'indique que les constructeurs reviendront aux huiles du groupe I. Au contraire, les probabilités de passer à des huiles encore plus raffinées comme celles des groupes III et IV devraient augmenter à l'avenir. De la même façon, les exigences imposées aux turbines et les conditions d'exploitation nécessaires pour les respecter ne disparaîtront pas.
C'est pourquoi la gestion du vernis demeurera sans doute une priorité pour les exploitants de turbines à gaz au moment de la sélection d'un fluide. Compte tenu de ce qui précède, il est intéressant de voir comment les exploitants sélectionnent leur fluide pour vérifier si leurs méthodes s'alignent sur les plus récentes formulations offertes sur le marché.
Actuellement, les exploitants se fient aux essais et aux cotes de performance, souvent spécifiés par les constructeurs, pour choisir un fluide pour turbine qui protège contre l'oxydation et résiste à la formation de vernis. De toute évidence, une décision fondée sur ces bases de données constitue la méthode la plus logique conjointement avec un essai sur le terrain. Les exploitants et les gestionnaires de programmes de maintenance doivent avoir l'assurance que leur investissement permettra d'atténuer le risque de panne.
Le problème réside non seulement dans l'approche décisionnelle, mais aussi dans ce que l'industrie accepte toujours comme essai de base pour déterminer le rendement du fluide.
Par exemple, bien qu'il soit encore un outil de référence précieux, l'essai d’oxydation dans un appareil à pression rotatif (RPVOT), en particulier, n'est pas aussi utile pour déterminer le rendement réel en service des plus récents fluides pour turbine à gaz. Il demeure toutefois d'une grande utilité pour comparer des résultats particuliers sur une certaine période.
L'essai d’oxydation dans un appareil à pression rotatif (RPVOT) constitue un essai de vieillissement accéléré conçu pour déterminer la stabilité à l'oxydation de lubrifiants neufs et en service dont la composition est la même. Devenu norme de l'ASTM dans les années 1960, il est utilisé maintenant systématiquement pour aider les utilisateurs finaux à déterminer la durée de vie restante des fluides pour turbine.
L'essai consiste à placer le lubrifiant, de l'eau et un catalyseur à base de cuivre dans un récipient sous pression muni d'un manomètre. Le récipient est pressurisé avec de l'oxygène à 620 kPa (90 psi) et déposé dans un bain d'huile à 150 °C ou dans un four à 150 °C, puis on lui imprime un mouvement de rotation axiale de 100 tours par minute. On mesure alors le temps nécessaire pour que la pression baisse de 175 kPa (25,4 psi) à partir de la pression maximale. La chute de pression indique que de l'oxygène a été consommé par réaction avec les composantes du lubrifiant. C'est le temps nécessaire pour que la pression chute au niveau visé qui détermine la stabilité à l'oxydation du lubrifiant.
Dans le cas de la technologie antérieure, c'est-à-dire les fluides pour turbine contenant des huiles de base du groupe I, cette méthode d'essai était utile pour déterminer les performances du lubrifiant.
Cependant, les fluides pour turbine de nouvelle génération se dégradent à des taux non linéaires et imprévisibles en raison des agents antioxydants particuliers utilisés et des caractéristiques antioxydation intrinsèques des huiles de base du groupe II. Dans ce cas, le RPVOT n'offre que peu ou pas d'indications sur le moment où le lubrifiant commence à se dégrader et à causer l'accumulation de dépôts dans le système.
C'est pourquoi on effectue différents essais sur une certaine période et on tente de déceler les tendances pour avoir une idée globale. Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer cette situation. En voici deux :
Soyons clairs, le RPVOT ne doit pas être éliminé. Ses résultats permettent d'établir une comparaison de qualité dans le cas de lots d'une composition semblable.
Les exploitants peuvent (et devraient) l'utiliser pour évaluer les propriétés de base du fluide au début de son utilisation et, par la suite, pour suivre les effets de l'oxydation sur ces propriétés.
De plus, si vous avez un réservoir contenant un mélange de fluides pour turbine de différentes marques ou formulations, on recommande le RPVOT dans le cadre d'un ensemble complet d'essais visant à évaluer l'état du fluide. Les résultats du RPVOT peuvent aussi être utilisés dans le cadre d'un programme général d'analyse des huiles de même composition en service.
Cependant, au-delà d'un certain point, le RPVOT n'est plus efficace pour déterminer la longévité relative des différentes formulations d'huiles pour turbine à gaz. C'est pourquoi le RPVOT ne devrait jamais être utilisé isolément pour comparer les lubrifiants concurrents.
À titre informatif, le RPVOT n'a jamais été destiné à comparer la performance d'huiles de différentes formulations. En fait, il est clairement indiqué dans la méthode qu'il n'est pas conseillé d'utiliser l'essai pour comparer des huiles de différentes compositions. Aux termes de la norme ASTM D2272 portant sur la méthode d'essai de la stabilité à l'oxydation des huiles pour turbine à vapeur au moyen de récipient sous pression en rotation :
« L'estimation de stabilité à l'oxydation [tirée de cet essai] est utile pour contrôler la durabilité de cette propriété aux fins d'acceptation d'un lot provenant de la même source. Cette méthode ne doit pas se substituer à la méthode d'essai ASTM D943 ou être utilisée pour comparer la durée de vie utile d'huiles neuves de différentes compositions. Cette méthode d'essai est aussi utilisée pour déterminer la durée restante de conformité aux exigences de stabilité à l'oxydation d'une huile en service. »
Il est légitime de souhaiter une formule qui affiche un résultat élevé au RPVOT, mais pas au prix de l'accumulation de vernis qui tend à être bien plus dommageable pour le système de turbine. Aujourd'hui, les spécialistes s'entendent sur le fait qu'il est plus avantageux de choisir une formule qui a tendance à produire très peu de vernis et de boues.
Comme il a été déterminé que les mesures RPVOT ne constituaient pas une base idéale pour choisir un fluide pour turbine à gaz naturel, il faut se tourner vers d'autres évaluations pour compenser. Plusieurs essais se sont révélés efficaces au fil des ans, et les spécialistes recommandent d'utiliser une combinaison de nouveaux essais et d'essais traditionnels pour sélectionner le fluide pour turbine approprié.
Mesure la concentration dans l'huile de produits de dégradation insoluble
Il s'agit d'une méthode relativement nouvelle pour extraire, en laboratoire et au moyen d'une pièce de membrane, les contaminants insolubles d'un échantillon d'huile pour turbine en service. La couleur de la pièce de membrane est analysée par spectrophotomètre.
Cet essai peut servir de guide sur l'accumulation de dépôts insolubles provenant du lubrifiant. On le considère comme très fiable et très précis pour détecter les moindres changements dans les niveaux de matières insolubles et pour prévoir la formation de vernis. Les résultats doivent servir à établir une tendance dans le cadre de la surveillance d'un paramètre.
Mesure de la baisse de la teneur en antioxydants (phénols et amines aromatiques) dans des lubrifiants
La voltampérométrie constitue souvent la technique de choix pour mesurer la teneur en antioxydants étant donné qu'elle témoigne d'un état en service et non en laboratoire. Les antioxydants sont les premières substances d'une huile pour turbine à subir les effets de la chaleur, de l'oxydation et des tensions mécaniques. Ils représentent le signe avant-coureur d'un début de défaillance du lubrifiant. En comparant la teneur en antioxydants du lubrifiant en service à celle de l'huile neuve, on peut en déterminer la durée de vie restante du point de vue de la résistance à l'oxydation.
Des essais ont été mis au point pour mesurer la réserve de résistance à l'oxydation (la protection restante) et le niveau d'oxydation atteint (l'oxydation qui s'est déjà produite). Les deux méthodes d'essai offrent des avantages et leur efficacité dépend de l'application du fluide en service. L'analyse du phénomène d'oxydation dans le fluide permet d'appuyer l'effort pour régler le problème à la source. Le spécialiste en lubrifiants devrait connaître les outils de mesure disponibles et savoir comment en interpréter les résultats. Il est donc possible de s'attaquer à la source de l'oxydation du fluide et même de l'affaiblir.
Excellent indicateur du potentiel de formation de vernis
Pour cet essai, un échantillon de lubrifiant est placé dans une ultracentrifugeuse (UC) où il est soumis à des forces gravitationnelles qui permettent de séparer les contaminants insolubles d'une huile dégradée habituellement révélateurs de la présence de vernis. Les contaminants insolubles ont tendance à avoir une masse volumique plus élevée et à se déposer durant l'essai. Cette substance agglomérée est placée sur une échelle d'évaluation pour obtenir un indice UC (de 1 à 8).
Mesure la résistance interne de l'huile à la circulation à une certaine température (souvent en cSt à 40 °C)
Cette méthode éprouvée est toujours précieuse. La viscosité représente une des plus importantes propriétés de l'huile. En effet, l'épaisseur du film d'huile dans des conditions de lubrification hydrodynamique dépend essentiellement des caractéristiques de viscosité de l'huile.
Quantifie les niveaux de particules par millilitre de fluide
Il s'agit d'un essai important à faire et à étendre à tous les fluides pour turbine. Il détermine la propreté globale du fluide.
Évalue la stabilité à l'oxydation du lubrifiant, en vérifiant les propriétés de l'huile pour turbine neuve
Cet essai sert à prévoir la durée de vie et la performance d'une huile pour turbine en la soumettant à un stress oxydatif à l'aide d'oxygène, de températures élevées, d'eau et de catalyseurs à base de métaux, tous des facteurs d'acidité et d'accumulation de boues. Étant donné qu'il est impossible de reproduire en laboratoire les conditions ambiantes sur le terrain, il est difficile d'établir une correspondance exacte entre les résultats à l'essai et le rendement réel sur le terrain. C'est pourquoi la plupart des constructeurs de turbines utilisent l'essai TOST dans leurs spécifications pour éliminer les fluides pour turbine qui présentent un risque élevé. À noter aussi que cet essai ne tient pas compte d'autres signes de détérioration comme la formation de boues ou la corrosion de la bobine de catalyseur. On utilise l'essai ASTM D4310 pour détecter l'accumulation de boues.
Évalue la stabilité thermique et à l'oxydation d'une huile pour turbine neuve sur des surfaces chaudes
La température et la durée de l'essai sont prédéterminées. Le débit est également constant. On fait couler le lubrifiant de l'échantillon goutte à goutte sur une plaque chauffante durant le temps prévu. Les boues et le vernis s'accumulent sur la plaque. À la fin, on peut faire une comparaison visuelle et déterminer le poids des dépôts.
Évalue la capacité des fluides pour turbine d'éliminer l'air occlus
Certains constructeurs de turbines établissent des exigences d'évacuation d'air pour les huiles neuves. Il s'agit en fait du temps au bout duquel le volume d'air occlus dans le fluide doit être tombé à 0,2 % dans les conditions de l'essai et à une température donnée. Dans les turbines munies d'un petit réservoir où le temps de passage est minimal, du fluide avec de l'air occlus peut être envoyé aux paliers et à des éléments de commandes hydrauliques critiques où il peut causer des problèmes de rupture de film d'huile, de perte de contrôle et d'accroissement du taux d'oxydation.
En plus de consulter les résultats des essais ci-dessus pour comparer et sélectionner des fluides pour turbine, les exploitants devraient adopter certains de ces essais dans le cadre de leur programme d'inspection courante des huiles. Bien que les méthodes traditionnelles de surveillance du niveau d'oxydation des fluides pour turbine en service - viscosité, indice d'acidité et RPVOT - demeurent intéressantes, des essais comme ceux de la colorimétrie de membrane et de la voltampérométrie à balayage linéaire sont davantage susceptibles de signaler à un stade plus précoce la dégradation de l'huile et de détecter les tendances en matière d'accumulation de dépôts.
Le vernis est une source de préoccupation pour l'ensemble de l'industrie et les exploitants de turbines à gaz naturel doivent disposer de l'information appropriée afin de choisir le bon fluide pour turbine en vue de contrer efficacement la formation de vernis. Pour que les exploitants soient bien informés, l'industrie doit réévaluer les vieilles méthodes d'essai au profit de nouvelles approches plus précises pour déterminer les performances, comme les essais ASTM D7843 et D6971 fondés respectivement sur la colorimétrie de membrane et la voltampérométrie à balayage linéaire.
Le RPVOT ne doit pas disparaître puisqu'il demeure très utile pour comparer des lots ou des tendances pour un même produit. Il n'est cependant pas utile pour déterminer la durée de vie de l'huile ou pour comparer deux fluides.